Rappel des règles en matière de clause de résiliation et d’indemnisation dans les concessions de service public

La Cour administrative d’appel de Toulouse, dans un arrêt du 10 juin 2025 (req. n° 23TL01217), vient de rappeler les limites à la liberté contractuelle des personnes publiques en matière de résiliation anticipée dans les contrats de concession de service public. Un rappel salutaire, à l’heure où la tentation de sécuriser les intérêts des contractants peut conduire à la rédaction des clauses illicites et donc inapplicables
Un syndicat mixte tente une résiliation unilatérale sur le fondement des stipulations contractuelles… et se heurte au juge
À l’origine du litige, une commune avait confié à un syndicat mixte la conception, la gestion et l’exploitation d’un camping-caravaning via un contrat de concession de service public. Ce syndicat avait lui-même sous-délégué l’exploitation à une société privée, par le biais d’un contrat d’affermage. Estimant pouvoir s’appuyer sur l’article 8 du contrat de concession, le syndicat mixte a décidé de résilier de manière anticipée le contrat conclu avec la commune, réclamant au passage une indemnité correspondant aux investissements réalisés sur ses fonds propres.
Mais la clause invoquée – qui permettait au concessionnaire public de résilier le contrat sans motif et imposait à la commune le versement d’une indemnité – n’a pas convaincu la juridiction de première instance, ni la CAA de Toulouse, saisie en appel.
L’illicéité d’une clause contractuelle de résiliation « sans motif » au profit du cocontractant public ou privé.
La Cour s’appuie sur la jurisprudence du Conseil d’État (CE, 8 octobre 2014, Société Grenke Locations, req. n° 370644) pour rappeler que le cocontractant – qu’il soit public ou privé – d’une personne publique dans le cadre d’un contrat administratif est tenu d’en assurer l’exécution, sauf en cas de force majeure ou lorsque le contrat (n’ayant pas pour objet l’exécution même du service public) prévoit expressément une faculté de résiliation en cas de manquement de la personne publique à ses obligations contractuelles.
Elle en déduit donc que la clause qui permettait une résiliation au cocontractant public sans aucun motif est illicite. Elle laisse toutefois entendre qu’une clause de résiliation anticipée aurait pu être admise au sein de ce contrat si elle avait été assortie de motifs précis comme la force majeure, l’intérêt général, ou l’exception d’inexécution.
Indemnisation des biens de retour : rappel de l’interdiction des libéralités
La Cour administrative d’appel rappelle ensuite que si l’étendue et les modalités de l’indemnisation du cocontractant, en cas de résiliation d’un contrat administratif, peuvent être aménagées par les stipulations du contrat, dans le cas d’une concession de service public, cette liberté contractuelle est strictement limitée.
La clause d’indemnisation doit effectivement respecter les règles spécifiques posées dans l’arrêt Commune de Douai (CE, 21 décembre 2012, req. n° 342788).
Ainsi, une telle clause ne saurait fixer une indemnité qui excéderait la valeur nette comptable des biens de retour non amortis, sous peine de constituer une libéralité interdite au profit du concessionnaire.
Or, dans cette affaire, la clause litigieuse permettait une indemnisation supérieure à la valeur nette comptable des biens de retour non amortis. La Cour la juge donc également illicite.
Application pour l’indemnisation des biens de retour de la jurisprudence « Commune de Douai »
Pour trancher la question de l’indemnisation, la Cour applique les principes issus de la jurisprudence « Commune de Douai » (CE, 21 décembre 2012, req. n° 342788) : le concessionnaire ne peut prétendre à une indemnité qu’à hauteur de la valeur nette comptable des biens de retour non amortis, à condition d’en apporter la preuve. En l’espèce, le syndicat mixte n’a pas su démontrer l’existence, la consistance et le financement sur fonds propres des biens concernés. De plus, une partie des investissements avait été réalisée par le sous-concessionnaire, et le syndicat mixte avait perçu des revenus de la sous-délégation.
La demande d’indemnisation du syndicat mixte est donc rejetée, faute de preuve du préjudice.